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ESCHYLE.

détroit puis le repas du soir, les exercices nocturnes des équipages, et la tranquille évolution des navires perses étendant, le matin, leurs lignes, pour capturer dans une étreinte la flotte adversaire. C’est alors que se déploie, sous la lumière d’un chant rayonnant, la plus belle bataille navale de l’antiquité. — Le Jour se lève, poussant ses chevaux blancs dans le ciel, et son premier rayon fait jaillir par mille voix, de la flotte hellène, le Pœan sacré. Les rochers de l’île en sont ébranlés, et la trompette « qui embrase tout» excite la fureur. Les avirons battent la mer qui bouillonne, et les vaisseaux d’Athènes apparaissent, en bon ordre, gardant les espaces fixés, l’aile droite en avant, comme celle d’un aigle fondant sur une proie. Un chant immense part des trirèmes et monte jusqu’aux nues : — « Ô fils Hellènes, allez ! Délivrez la patrie, vos enfants, vos femmes, et les temples des dieux de vos pères, et les tombeaux de vos ancêtres ! Maintenant c’est le combat suprême ! » Les cris guerriers de la Perse roulent vers l’hymne grec comme pour l’étouffer, et les flottes, d’un élan, se jettent l’une sur l’autre.

« Au premier choc, le torrent de l’armée persique ne se rompit pas ; mais quand la cohue de nos nefs fut resserrée dans les passes étroites, au lieu de s’entr’aider, elles s’entre-tuèrent de leurs proues d’airain, et les rangées des rames