Page:Paul de Saint-Victor - Les deux masques, tome 1.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
213
LES PERSES D’ESCHYLE.

d’aucun homme vivant. » — « Comment donc font-ils pour soutenir le choc de leurs ennemis ? » — « Comme ils ont fait autrefois en détruisant la grande armée de Darius. » — « Tu donnes tristement à réfléchir aux mères de ceux qui sont partis. »

Quels transports devait soulever cette louange de la patrie arrachée à des voix serviles ! C’est dans le palais même du Grand Roi, au milieu de son sénat avili, en face des colosses monstrueux qui divinisent sa puissance, qu’Eschyle dresse l’image d’Athènes invincible et libre. Jamais l’orgueil d’un peuple ne fut plus magnifiquement encensé.

Il arrive enfin, le Messager si anxieusement attendu, et c’est comme si le spectre meurtri de l’armée rentrait dans l’Empire, et l’inondait du sang de ses vastes plaies. Toutes les nations frappées par la fortune ont connu, hélas ! cette clameur soudaine de la catastrophe. Au milieu des nuages grossis d’une immense angoisse, le tonnerre du désastre éclate, non par roulements intermittents, mais d’une explosion large et brusque d’où tombent pêle-mêle les calamités. Écrasements d’armées, redditions de villes, flottes englouties, frontières envahies. Ni répit, ni trêve, ni reprise d’haleine : la foudre, en un coup, dit son dernier mot. C’est cette clameur de panique que pousse le Messager arrivant à Suse : — « Ô vous toutes, villes de l’Asie ! Ô Perse, port im-