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LES PERSES D’ESCHYLE.

par le doute, rayonnements d’orgueil éclipsés par les ombres des calamités pressenties, questions encore sans réponse jetées au Destin qui galope, peut-être en ce moment, vers la ville, sous la chlamyde volante d’un courrier. C’est un tumulte d’impressions contraires, pareil à ces ouvertures de tragédies lyriques où des changements à vue de sonorité éclairent et assombrissent tour à tour l’orchestre orageux.

Voici venir la reine Atossa, saluée par les Fidèles, comme l’idole-mère, avec les formules pompeuses de l’adoration monarchique : — « L’Astre s’avance, éclatant comme l’œil des dieux, la Mère du Roi, notre Reine. Prosternons-nous !… » — L’étonnement méprisant que l’homme de l’Europe éprouve, lorsqu’il lit, dans une relation de voyage, les litanies de titres serviles prodiguées aux Shahs de la Perse moderne, les Grecs devaient le ressentir plus vivement encore en entendant ces adulations emphatiques. Eux les naturels et les simples, pour qui aucune grandeur n’excédait la stature humaine, et qui, dans l’âge même de leurs monarchies héroïques, voyaient les rois d’Homère traités par leurs guerriers comme des compagnons couronnés. Quand un homme de l’Iliade appelle Agamemnon « Pasteur des peuples », ou « Atride qui commande au loin », il a épuisé la louange, son encensoir est éteint.