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SECONDE GUERRE MÉDIQUE.

qu’il lança sur le tyran de la Macédoine, n’aurait harangué que la mer.

L’Art, engagé dans les entraves de l’archaïsme, n’en aurait été délivré, ni par le compas d’Ictinos, ni par le ciseau de Phidias. L’architecture de l’Acropole, d’une perfection si simple et si pure, dont chaque ligne a la souplesse d’un beau rythme, aurait-elle pu naître à l’ombre des Babels massives de l’Asie ? Les Dieux qui commençaient à rompre les gaines grossièrement substituées au corps, à décoller leurs bras d’un torse immobile, à détacher leurs pieds soudés sur une base, à remplacer par les expressions de la grâce et de la grandeur, le morne sourire figé sur leurs lèvres, se seraient renfoncés et endurcis dans leurs anciens types. Si nous les voyons si fiers et si beaux, c’est qu’ils furent conçus au sein du bonheur, fils de l’orgueil et de la joie d’un peuple affranchi. L’opprobre aurait déprimé leurs traits marqués des stigmates de l’asservissement. Qui sait même si la conquête ne les eût point fait redescendre dans le cercle inférieur des théogonies asiatiques ? Qui sait si les Symboles vainqueurs de la Perse, les taureaux mitrés, les léopards à face d’aigle, les Chérubins aux six ailes, ne les eussent point ramenés à la bestialité des mythes primitifs ? Décadence monstrueuse et qui fait rêver : l’Olympe hellénique retournant au règne animal !