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ESCHYLE.

haies du verger. Ses premières idoles sont celles d’un fétiche agreste déjà peine dégrossi. Un masque barbouillé de cinabre, planté sur un cep ou sur le tronc d’un gros lierre, le révèle à ses peuplades pastorales. Des vases antiques, figurant ces images agrestes, le montrent engagé dans une gaine d’écorce, étendant, en guise de bras, deux branches verdoyantes. Il végète ainsi sous la plante, comme la statue dort dans le bloc, attendant le mot magique, le ciseau plastique qui le déracinera de la glèbe pour l’appeler à une existence supérieure. L’art, lorsqu’il l’aura tout à fait formé, le marquera quelquefois des signes de cette origine. Un buste trouvé à Ostie le représente avec une barbe de pampres. Une pierre gravée — fantaisie exquise — lui fait cette barbe de quatre ailes d’abeilles ouvertes en éventail aux coins de ses lèvres, et sa bouche semble ainsi la fente d’une ruche ouverte aux essaims. C’était lui qui avait appris aux pasteurs à recueillir le miel dans les bois. Il hantait les pâtres et il les aimait, il se plaisait à leur apparaître vêtu, comme eux, d’une peau de chèvre noire. Un jour il fit un roi à Athènes, et il le prit parmi les bergers. Bacchus se montre déjà, à cette origine, défenseur des faibles, champion des petits contre les grands et les forts. Les hommes à demi sauvages de la forêt et de la montagne sont ses compagnons favoris. On