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SECONDE GUERRE MÉDIQUE.

dre sa côte, défendre sa ville une fois brisé, ce faisceau de forces ne serait plus qu’un morcellement de faiblesses. Thémistocle fut héroïque dans ce débat aussi violent qu’un combat. À force d’insistance, il fit rouvrir le conseil levé, réfuta les objections, tint tête aux injures ; inflexible sous le bâton même qu’Eurybiade osa lever sur sa tête : — « Frappe, mais écoute ! » — Il persuada les vaillants, menaça les lâches des deux cents galères d’Athènes, prêtes à châtier sur les cités transfuges la désertion du salut commun. Les incertitudes cédèrent et les pusillanimités se rendirent. La volonté du héros mordit ces fluctuations comme une ancre, elle retint par son seul poids la flotte ébranlée. Thémistocle eut même, dit-on, l’effrayante audace de contrefaire la trahison pour lui couper la retraite. Il envoya un esclave avertir Xerxès de sa part, qu’il était secrètement gagné à sa cause, que l’armée navale de la Grèce, déchirée par des querelles intestines, allait fuir dès le lendemain, et qu’en survenant à la hâte, il pourrait la capturer d’un seul coup. C’était tenter terriblement la Fortune, mais c’était savoir aussi qu’elle aime les hardis qui lui font violence. Xerxès donna dans le piège ; en quelques heures de nuit, il fit cerner le détroit. Aux lueurs des dernières étoiles, la petite flotte hellénique se vit enveloppée par les mille navires de la Perse. À l’instant, toutes les hésitations cessèrent