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SECONDE GUERRE MÉDIQUE.

une nuée d’orage ; il n’en sortait que des éclairs sinistres illuminant un abîme. La tragédie grecque n’a pas de scène plus pathétique que l’audience des deux envoyés d’Athènes, consultant l’Apollon de Delphes. — Après avoir sacrifié, ils entrent dans la crypte où siège la prêtresse, et s’assoient sur le banc, attendant l’oracle. Au lieu de l’encouragement espéré, l’anathème en sort ; le sanctuaire rugit comme un antre. La Pythie leur lance, d’une voix de furie, des prophéties plus effroyables que celles d’Isaïe vouant Babylone aux orfraies et Ninive aux taupes. Le ton des vers qu’elle prononça, et qu’Hérodote nous a conservés, dépasse étrangement le diapason grec : c’est la vocifération hébraïque dans son âpreté gutturale. — « Malheureux pourquoi vous asseyez-vous ? Fuyez aux extrémités de la terre. — Abandonnez vos demeures, les hautes collines de la cité bâtie en cercle : — car ni la tête ne demeure solide, ni le corps, ni les pieds, ni les mains, — ni rien du milieu ne subsistent : mais la destruction les arrache. Sur le tout, tombent — la flamme et l’horrible Arès monté sur un char syrien ; — Il ruinera de superbes tours, et non pas seulement les vôtres ; — il embrasera les temples des Immortels — qui, déjà, ruissellent de sueur, secoués par la crainte. — Du faîte de leur toiture le sang qui pleut en gouttes noires, présage