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ESCHYLE.

leur faisait face, puis se rabattaient, en le refoulant, sur les masses qui avaient entamé leur front. Les Perses s’enfuirent en déroute vers leurs vaisseaux rangés sur la plage, poursuivis par les Athéniens qui essayèrent d’y mettre le feu. On eût dit la bataille des navires du quinzième chant de l’Iliade reprenant ses glaives et ses torches. Mais cette fois elle avait fait volte-face c’étaient les guerriers de l’Asie, poussés et rejetés sur leur flotte, qu’assaillaient les Grecs. Ce fut dans cette attaque que le frère d’Eschyle, Cynégire, eut les bras coupés en étreignant la galère ennemie qu’il mordit ensuite : abordage épique d’un homme et d’un vaisseau se déchirant corps à corps. Au moment où la flotte reprenait la mer, on vit un bouclier poli d’une rondeur énorme, se lever sur une cime du Pentélique, comme un astre de mauvais augure. L’œil perçant de Miltiade y lut aussitôt un signal de traîtres, un appel des partisans d’Hippias avertissant les Perses qu’Athènes, sans défense, était à la merci d’une surprise qui devancerait son retour. Dès que le bouclier sinistre parut, en effet, la flotte cingla à force de rames vers le cap Sunium. Mais Miltiade, redressant son armée harassée d’un effort sublime, la porta, à marche forcée, de Marathon sur Phalère, comme s’il l’enlevait dans le nuage poudreux du combat. Elle y arriva avant les vaisseaux. Cette course fulgurante