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ESCHYLE.

à l’enfant les actions viriles, au sauvage la chasse du lendemain et le combat de la veille. L’écolier transforme en cheval le bâton qu’enfourchent ses jambes : le Peau-Rouge voit un serpent ou un ours dans son compagnon couvert d’une fourrure ou enroulé dans un sac dont les torsions imitent les nœuds du reptile : il le poursuit à grands cris, il lance sur le monstre imaginaire une flèche émoussée. — L’homme a éprouvé de tout temps le besoin d’idéaliser ou de parodier sa propre existence, de la répéter par le rêve du spectacle et de la fiction.

La danse l’initie à cette seconde vue elle transfigure le corps en lui donnant deux ailes, l’élan et le rythme ; elle le dégage, pour un instant, des tristes lois de la pesanteur. Un sens vague s’insinue bientôt dans ses mouvements cadencés, la pantomime s’y mêle et l’inspire. Elle la complique d’appels et de fuites, d’entraînements et de résistances : bientôt chaque geste esquisse une pensée, chaque pas vole vers un sentiment. C’est dans les danses primitives que s’ébaucha le drame hellénique. Des rondes de bergers tournant sur les collines imitaient les évolutions des étoiles ; la Gnossienne, attribuée à Thésée, retraçait par l’ondoiement de ses cercles les dédales du labyrinthe affronté par le héros athénien ; la Pyrrhique frappait de l’épée le bouclier du combat ; des chœurs figuraient les noces de Zeus