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ESCHYLE.

qu’ils sont plus près des forces premières et que lu majesté des choses éternelles transparaît mieux à travers leur obscurité. Ses divinités souveraines sont toujours Ouranos et Gaïa, le Ciel et la Terre, les « deux grands Compagnons de voyage », les « deux Parents du monde », des hymnes aryens. Le vieil Océanos, submergé par Poséidon, — Neptune — relève au-dessus des flots, dans son Prométhée, sa face primordiale. Il admire et il vénère les Géants, les Titans, les Hécatonchires aux cent bras, tous ces révoltés des nuages et des volcans qu’on voit à l’œuvre, sous leur aspect cosmique, dans les chants védiques. Il tient pour eux, se sentant un peu de leur race, contre les « dieux de fraîche date » ; il relève comme un gant de guerre leur rocher tombé. D’après des titres de tragédies perdues, on le voit aussi affilié au culte des Cabires et des Curèles, des Dactyles et des Telchines, ces vieux Génies métallurgiques, mineurs et forgerons souterrains, qui correspondent aux Gnomes de la légende germanique. En tout et toujours, la religion d’Eschyle paraĵt s’adresser aux puissances occultes qui gouvernent l’univers sans lui apparaître. Il adore par delà la voûte des sanctuaires. La façon même dont il conçoit les dieux de son temps dissipe leur figure et détruit leur alliage humain. Il déchire hardiment le voile corporel qui recouvre leur essence première, et les montre, comme