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nade ; si vous prenez place à leur festin, ils sont charmés de votre compagnie, et s’écrient avec leur accent exagéré que vous êtes sympathique, sans songer que ce sont eux qui font tous les frais de sympathie et brisent votre glace parisienne. Le plaisir vous gagne : vous regrettez de ne pas porter leur caleçon de toile et leur bonnet rouge, de ne pas savoir leurs danses pittoresques ni leur dialecte expressif, pour dire comme eux de ces mots moitié comiques et moitié tendres qui font naître l’amour avec le rire dans les yeux noirs de leurs fillettes.

Il faut que le Napolitain soit heureusement né pour jouir si bien d’une vie bornée de tous côtés par la misère ! Nous autres, gens chagrins qui le plaignons , nous ferions mieux peut-être d’épargner nos frais de pitié mal placée. Malheur à lui si nos lumières arrivaient jusqu’à ses yeux, s’il échangeait son insouciance et sa naïveté contre les tristes préoccupations du citoyen, dont les désirs se décuplent à mesure qu’il gagne un chétif privilège,