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mandai chez plusieurs libraires les comédies de Gozzi ; à peine si on savait ce que je voulais dire. Enfin, dans une petite boutique, on me tira de la poussière un vieil exemplaire oublié sur un rayon depuis quarante ans, et on me donna les dix volumes pour le prix du papier.

Lorsque Gozzi, jetant un regard inquiet sur ses œuvres, s’était effrayé de leur originalité, le pressentiment qui lui représentait ses fables oubliées et les oripeaux de Goldoni sortant de l’eau n’était pas un effet du hasard. Il sentait que le mot de régulière attaché à l’œuvre de Goldoni serait un jour le morceau de liège qui devait l’arracher du fond des lagunes. Les véritables poëtes, les hommes de fantaisie, « qui ne vivent pas d’emprunt et ne se parent point de plumes du paon, » n’auront Jamais pour eux que la minorité des gens intelligents et éclairés. Cette minorité leur fait rarement défaut ; mais une immense majorité se prononcera toujours pour ceux qui suivent les chemins battus : elle reviendra là où est l’ornière, et laissera ceux qui ne marchent