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seraient mis au feu les uns pour les autres ; ils auraient brûlé Venise pour moi. Hélas ! tout a une fin ; l’extinction et la dispersion de la troupe a été un de mes grands chagrins. Goldoni s’est appuyé sur un mot imposant et trompeur, et un mot est tout-puissant sur les esprits bornés ; ses pièces reviendront peut-être sur l’eau, comme un vieux sac à procès embourbé au fond des lagunes, et qu’un coup de rame détache, en passant, de la vase où il dormait, tandis que mes pauvres fables, si on les oublie une fois, ne reverront plus la lumière. »

Le temps, qui détruit tout, laissa Charles Gozzi vivre heureux et tranquille pendant quatorze ans, au milieu de ces acteurs qu’il aimait et qu’il avait perfectionnés. Cette belle époque ne fut qu’une suite de succès, de relations gaies et cordiales, de bonne harmonie et de recettes copieuses. On se réunissait deux fois par semaine chez le compère Sacchi ; le vin de Chypre échauffait les conversations ; la jeunesse et la beauté des actrices, leur co-