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un meilleur emploi de ses forces. À l’âge de vingt ans à peine, Gozzi jurait de ne jamais s’exposer aux chances du mariage et de se consacrer uniquement aux lettres. Ce parti étant bien arrêté, il s’enferme dans son cabinet, rassemble ses sonnets et chansons, les met au net sur du papier fort beau ; il relie le tout en un livret couvert de maroquin cramoisi ; puis il s’en va chez un riche sénateur et lui présente ses vers ornés d’une dédicace.

— Merci, lui répond son excellence, merci, mon petit ami. Je pourrai prouver à ceux qui en douteraient que vous avez fait vos études.

En 1750, Venise n’était plus la reine des mers. Le gouvernement affaibli n’avait conservé de son ancien nerf politique qu’une humeur ombrageuse et perfide. Des vieilles institutions, il ne restait que les inconvénients : l’inquisition d’état, les délations et le système déplorable de fermer les yeux au peuple en l’avilissant. Le commerce était ruiné depuis longtemps par la découverte du cap de Bonne-Espérance, et les mœurs étaient tombées dans