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Il faut voir deux personnages qui doivent se jeter dans les bras l’un de l’autre, se rapprocher en mesure, faire deux pas en arrière, trois en avant, reculer encore, s’avancer de nouveau et s’embrasser enfin à point nommé sur le coup d’archet des violons. Il faut voir, pendant ce temps-là, les cinquante figurants parfaitement alignés, témoigner l’attendrissement ou la joie par des gestes d’un ensemble irréprochable ; tous les yeux levés au ciel, toutes les jambes écartées dans la même posture, toutes les mains à la fois sur tous les cœurs ; ils se remuent comme un seul homme. Le premier jour, vous en riez, car la nature est trop loin de là pour que votre esprit se prête à la convention ; mais bientôt vous vous accoutumez à cette symétrie, qui est un art au fond ; et si un moment pathétique arrive, si l’acteur est bon et la musique touchante , vous finissez par y prendre du plaisir et par distinguer autre chose que du bruit, des grimaces et des gambades.

C’est à Gênes que j’ai fait connaissance