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tailleur, on inventait cent prétextes pour entrer dans la boutique ; mais les jeunes gens les plus beaux ou les plus riches, et les étudiants de l’université eux-mêmes, ne réussissaient pas à la distraire de son ouvrage. Le soir, si elle entendait une guitare sous sa fenêtre, elle éteignait aussitôt sa lumière, et renonçait à respirer sur son balcon, de peur des sérénades, ce qui est le plus grand sacrifice que puisse faire une Catanaise.

Cette indifférence lui dura jusqu’à quinze ans ; c’est le bel âge pour les filles de la Sicile, et celui où la nature les mène souvent comme il lui plaît. En face de la maison du petit tailleur était le palais d’une signora fort élégante, qu’on eût appelée une lionne si on eut connu ce mot-là. Un soir d’été, il y avait un bal chez la signora, et comme dans ce pays-ci le bon ton n’oblige personne d’arriver le dernier, les calèches commencèrent à entrer dans la cour du palais à vingt-trois heures, c’est-à-dire une heure avant le coucher du soleil. Une troupe de curieux s’était amassée devant