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malheureux fiers et désespérés, qui dévorent leur infortune en silence et qui font lever matin les cœurs charitables. Le Napolitain accepte l’indigence avec moins de peine, l’étalé dans la rue aux yeux du public et tire le plus de parti possible de son malheur. Parmi les pauvres de profession, quelques-uns ont une supériorité de talent dont nos mendiants n’approcheront jamais. Ce ne sont pas, comme chez nous, des litanies monotones qui endurcissent le passant au lieu de le toucher. Pour la variété des discours, la beauté des intonations, la puissance des gestes, le mendiant napolitain est un véritable artiste. Sur le quai de la Victoire, dans un angle où le soleil donne en toutes saisons, il y avait, l’hiver dernier, un homme qui aurait pu se faire professeur d’éloquence en matière de mendicité. Aussitôt que la faim le tirait de son demi-sommeil, il avisait d’un œil sagace le premier étranger envoyé par le hasard, et ne le quittait point sans obtenir ce qu’il lui fallait pour déjeuner. La première fois qu’il me fit l’honneur de me