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Paris, le 14 novembre 1919.

Cher Monsieur le Baron,

En vous remerciant de m’avoir communiqué les épreuves du Livre d’or des Victimes de Saint-Gervais, je viens vous demander si vous ne pourriez pas faire une place au récit suivant, capable de consoler ceux qui croient et espèrent.

« Après la catastrophe notre église fut fermée pendant six mois.

« Enfin rendue au culte le samedi 5 octobre, la vieille basilique devint un lieu de pèlerinage national. Quiconque traverse Paris vient visiter Saint-Gervais et prie en union avec les victimes de l’obus assassin.

« Sur la fin de ce même mois sévit une épidémie de grippe qui fit en peu de temps des ravages considérables parmi nous. Nous avions plus d’enterrements en une semaine que pendant les mois d’hiver les plus rudes.

« Le dimanche 27 octobre, les châsses des saints protecteurs de la paroisse furent exposées à la vénération des fidèles, le soir une grande supplication fut faite et la procession se déroula au milieu d’un peuple immense. Le clergé s’arrêta sur les dalles marquées du sang des victimes du Vendredi Saint et par trois fois on chanta ces invocations : Sancti et Sanctæ Dei, interdicite pro nobis. Saints et saintes de Dieu, intercédez pour nous.

« Durant cette cérémonie on amenait encore un cercueil, mais ce fut le dernier ; jusqu’au 10 novembre il n’y eut plus que trois décès sur une population de trente mille âmes environ.

« Saint-Gervais sera désormais le sanctuaire des victimes de la grande guerre et le lieu de pèlerinage pour ceux que la guerre a pu atteindre. »

Agréez, cher Monsieur le Baron, l’assurance de ma religieuse sympathie.

GAUTHIER.
Curé de Saint-Gervais.