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Morgue, le sinistre dépôt de la Cité qui mérite bien sa réputation.

Debout près de la porte, avec son clergé dont aucun membre ne fut tué — quoique un prêtre de Nancy, l’abbé Bernardin, eût été foudroyé dans une des stalles du chœur, — l’abbé Gauthier, au fur et à mesure que les victimes passaient devant lui, leur donnait à tout hasard l’absolution, et invoquait Celui qui dans l’assistance était adoré sous des religions différentes.

Les premiers porteurs de secours furent, dit-on, comme dans presque tous les bombardements de Paris, les ambulances américaines ; les pompiers, les agents, des soldats, un major, que M. Colliard vit au milieu de la nef, sans souci du danger, faire des piqûres à une pauvre femme agonisante, tous furent admirables. Dieu seul sait leurs noms à tous et les récompensera.

Peu nombreux furent les parents qui purent être prévenus. La plupart des autres ne surent le malheur que tard, et sans moyens de communication, la Morgue fermée, ne purent se mettre que le lendemain à la recherche des victimes.

Que ceux qui comme moi ont dû chercher un être cher dans la douloureuse et répugnante station à la Morgue, se penchant anxieux sur chaque cadavre, se rappellent cette horreur ! Les mots ne peuvent en donner une idée !

Tous ceux qui, même sans connaissance, ne paraissaient pas tout à fait morts furent portés à l’Hôtel-Dieu. Un grand nombre mourut en arrivant ou en route. Ceux-là furent déposés dans les sous-sols où une chapelle ardente fut organisée de suite et décorée de draps, de drapeaux et de plantes vertes, et ce fut pour ceux qui trouvaient là, au sortir de la hideuse Morgue, si décemment traités, les corps de leur bien-aimés, une mince mais réelle consolation. Il serait injuste d’ailleurs de ne pas adresser au personnel de l’Hôtel-Dieu un remerciement ému pour la délicatesse, les égards, la patience dont tous, infirmières, employés, agents firent preuve.

La victoire, à laquelle ceux qui ont foi en Dieu sont