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comme nous différenciant de la bête — n’aurait pu en avoir l’idée.

Viser une église, même à cette distance, était certes impossible, mais oublier que, dans chaque église, la foule composée surtout de femmes était réunie n’était pas possible non plus.

En profiter, c’était tout naturel pour les bourreaux de Miss Cavell et du Lusitania ; ne pas les croire capables de recommencer demain s’ils le pouvaient, ce serait ne pas les connaître !

Les chanteurs de Saint-Gervais sont célèbres dans le monde entier. Beaucoup des auditeurs qui étaient réunis à 4 heures dans l’église étaient des habitués qui venaient, chaque année, entendre les fameuses Ténèbres. Des étrangers y venaient pour la première fois et cette foule, arrivée à l’avance, attendait les chanteurs qui venaient de gagner leur tribune. Un quart d’heure, une demi-heure plus tôt, l’obus eût trouvé l’église vide.

Et quelle suite de fatalités on retrouve dans les récits de chaque famille ! C’est une mère échappée à la mort et pleurant sa fille, me faisant remarquer qu’à deux changements de métro, elles n’ont pas eu à attendre la minute qui eut sauvé la jeune fille. C’est une femme que sa famille, à cause de son âge, avait déterminée à partir et qui devait le faire deux jours plus tard. Ce sont des jeunes filles entraînées au dernier moment par des amies, parfois même à l’insu de leur famille, et courant gaiement à la mort. Volonté de Dieu pour les uns, destin aveugle pour les autres, hasard pour d’autres encore, matière en tous cas à réfléchir pour tous !

La cérémonie devait commencer à 4 heures et demie. Déjà les chanteurs avaient pris place dans la tribune du transept de gauche qui leur est réservée, lorsque le cataclysme se produisit.

Il est difficile, pour qui n’y a pas assisté, de se rendre compte de l’horrible catastrophe. Pour ceux qui en sont réchappés, il est aussi difficile de la décrire. Un éclatement, des fragments d’obus traversant la nef, et en même temps la voûte s’effondrant dans un amas de