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d’une distance invraisemblable de plus de 100 kilomètres.

Jusque-là, on cherchait comment un avion eut pu laisser tomber des bombes sans être même aperçu dans l’espace.

Une fois le fait reconnu, Paris l’accepta, comme il acceptait les bombardements de nuit, stoïquement, avec non seulement un courage tranquille, mais presque une fierté de prendre sa part des dangers de la guerre.

On partit, oui, mais on resta surtout, et non seulement ceux que des obligations impérieuses retenaient, mais d’autres très nombreux aussi, soit par dévouement aux blessés qu’ils secouraient, aux parents qu’ils gardaient, soit simplement pour donner l’exemple.

Et ce sentiment d’honneur et de danger partagé, avec quelle fierté de Français ne l’avons-nous pas retrouvé dans les lettres ou les paroles, recueillies par les familles, des nombreuses victimes de Saint-Gervais !

Dans les trop courtes notices qui suivent on retrouvera partout la trace de ces beaux sentiments.

Ce sont bien des Français et de bons Français qui sont tombés à Saint-Gervais. Mais il n’y eut pas que des Français et des Françaises. Il y eut des Américaines, des Anglaises, le Conseiller de la Légation Suisse à Paris et sa femme, et puis cette délicieuse petite Belge de quinze ans, fille du Consul général de Belgique, à la mémoire de laquelle l’admirable reine Élisabeth dans sa visite à Saint-Gervais le 6 décembre 1918, guidée par son père, vint donner un regret ému et un de ces divins sourires qui réconfortaient les soldats dans la tranchée et leur apportaient toute la Patrie !

Ce 29 mars 1918, jour du Vendredi Saint, le canon avait cessé depuis deux jours. Pour quelle raison, on l’ignore. Qu’il dût reprendre, on s’y attendait, mais que cette reprise put avoir lieu le Vendredi Saint, à l’heure même où, d’un bout du monde à l’autre bout, les chrétiens commémorent la mort du Christ, à cette date que les païens même et les incroyants tiennent à honneur de respecter, aucun être humain — en prenant le mot