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Ce que je vais raconter en est tout à la fois un exemple admirable et poignant.

Un de mes amis, très riche et très calé, m’avait emmené dans son auto faire une petite balade de deux jours aux environs de Trouville ; nous avions quitté Paris le samedi à six heures du matin et trois heures après nous volions sur une belle route blanche, pas encore poudreuse, en pleine Normandie.

Vous savez comme en Normandie les villages, les communes sont composés d’une masse de petits hameaux. Nous venions d’en dépasser un et le clocher de l’église du village apparaissait devant nous à un demi kilomètre, lorsqu’au détour d’un chemin de traverse et à un coude de la route nous tombons sur un enterrement qui venait du hameau et allait à l’église… il faisait une matinée radieuse, les oiseaux chantaient dans les halliers, dans les haies entourant les chemins creux et il nous semblait qu’il n’était pas triste de s’en aller si doucement retrouver les ancêtres là-bas, dans le vieux cimetière, au pied de la colline ; vieux cimetière de quarante ans bien entendu, comme tous ceux que l’on a si justement retirés d’autour des églises…

Mais à quoi bon cette digression ? nous voilà sur le cortège, impossible d’arrêter notre machine à temps, il va arriver un épouvantable malheur ! Nous cornons à mort, mon ami serre les freins à tout faire sauter et… nous sommes au milieu de l’enterrement !… minute d’angoisse su-