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res de ces reptiles aussi bien que les requins, aux Antilles, avec le vulgaire et classique morceau de lard fiché ou fixé, comme il vous plaira, au bout de l’hamecon ou plutôt du harpon de fer à l’aide duquel, avec une forte corde au bout, on doit les amener avec mille précautions à la côte, car ces messieurs féroces ne se gênent guère pour faire chavirer votre barque ou vous casser une jambe d’un coup de queue. Mais quelle chasse mouvementée, amusante et passionnante ! Quel régal que les ailerons de requin et quels jolis porte-monnaie, portefeuilles ou sous-main on se fait avec sa peau préparée ad hoc !

Un jeune chimiste de mes amis, esprit très distingué, et qui cependant avait des idées noires depuis son mariage avec une femme qu’il adorait, mais qui lui en faisait voir de bleues, sous prétexte que le jaune est la couleur matrimoniale, revenait souvent avec moi sur ce sujet, me disant :

— Quel admirable moyen de suicide, si l’on pouvait appliquer ce système à l’homme ; de la sorte réduit en bouillie, on serait bien certain de ne pas souffrir.

Naturellement, je m’empressais toujours de lui dire qu’il était complètement idiot et, à franchement parler, je ne le croyais pas capable d’en arriver jamais à une aussi fâcheuse extrémité.

Je pensais bien que sa femme le trompait indignement et qu’il était assez intelligent pour s’en apercevoir. Mais je me disais aussi qu’il est dans la nature humaine de s’habituer à tout, même