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nua à mettre un louis sur son jeu à chaque coup et naturellement à gagner…

Ce colloque âpre, presque brutal et si subitement terminé sur un ton amical m’avait profondément surpris et je dirai que je n’y avait absolument rien compris : mais j’ajouterai aussi que j’étais absolument résolu à comprendre, car je flairais là, à n’en pas douter, un mystère probablement curieux à éclaircir.

Au bout d’une heure, le grec rastaquouère dit qu’il avait mal à la tête et qu’il allait se coucher, car il ne faut pas avoir l’air d’épuiser la veine et se laisser surtout deviner par les gens qui sont là et trois minutes plus tard, celui qui avait si bien ponté sur son jeu, se levait également et quittait la table de jeu.

Celui-là avait l’air doux, plutôt modeste et il me déroutait plus que l’autre, car il m’avait paru son complice sans que je puisse comprendre comment. Mais alors pourquoi cette entrée en matière ? Pour dissimuler leur jeu ?

Ma foi, tant pis, me dis-je, je veux savoir et m’asseyant en face de lui, devant la petite table de jeu où il était en train de boire un verre de bière, je lui demandai la permission d’en faire autant sur un ton sans réplique et je me fis servir également un bock.

J’allumai lentement un cigare, lui en offris un sur le même ton d’aimable autorité et lui dis à brûle-pourpoint :

— Le monsieur sur le jeu duquel vous avez ponté tout le temps ce soir est un grec ?