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vement : donnez-moi une plume d’oie entre les dents, je vais tâcher d’écrire comme autrefois.

Et lorsqu’elle eut la plume à la bouche, elle écrivit lentement sur le papier que je tenais :

« Ceci est mon testament ; si vous avez de l’amitié pour moi, donnez-moi de suite du poison, car mon pauvre cœur me fait trop souffrir ».

Je déposai religieusement un baiser sur son front de vierge, deux longues larmes tombaient de ses yeux fermés sur ses joues et je me sauvai fou, éperdu devant cette douleur tragique, devant ce désespoir surhumain…

Depuis, vingt ans se sont passés, mes parents sont morts, je ne suis jamais retourné à Mer et, cependant, toutes les fois que je pense à ce drame intime d’un pauvre cœur jeté dans une enveloppe incomplète et insuffisante, je me surprends moi-même à pleurer comme un enfant.