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Avec la troisième République, avec l’instruction obligatoire, l’Écrivain Public a disparu à son tour ; il a bien cherché à transporter ses pénates en Bretagne, dans le dernier fief de l’ignorance cléricale ; mais là la clientèle était trop pauvre ; tout son argent allait au recteur et le pauvre diable d’Écrivain Public fut bien obligé de se rendre compte que la dernière heure de son métier avait sonné.

Les uns se firent ramasseurs de bouts de cigares, d’autres se mirent à élever les asticots pour les pêcheurs à la ligne et les plus vieux et les plus protégés finirent par se faire hospitaliser, à moins qu’ils ne mourussent comme de pauvres chiens abandonnés, sous les ponts.

Et maintenant que nous avons pleuré congrument sur le triste sort des Écrivains Publics, réjouissons-nous hautement de la disparition de l’institution ! Ça prouve que l’instruction obligatoire fait lentement son œuvre, apportant avec elle le progrès, la lumière, la liberté et l’émancipation de la conscience humaine !

Soyons artistes, aimons tout ce qui est bien, grand et noble ; mais quand le pittoresque était l’image même de la réaction et de l’esclavage du peuple par le maintien de l’ignorance, gardons-nous bien de gémir sur ces disparitions. Ça serait une insulte à notre idéal émancipateur de demain !