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en voilà une branche, une vieille branche, qui n’est pas cassée et qui à des velléités de tout absorber, de tout s’annexer avec une grâce et une désinvolture à nulle autre pareilles.

Les modistes, les jeunes filles qui travaillent chez elles, les petits trottins, — ces sœurs de nos moineaux — ont toujours été la joie de l’œil parisien et la gaité bien vivante de nos rues ; il y a de l’esprit gaulois, du goût national, du chic parisien dans leurs doigts mignons, souvent blessés par l’abus de l’aiguille et tout en faisant simplement des chapeaux, des toques… qui ne le sont pas, et des petits bibis pour nos femmes, elles nous apparaissent, ces gamines parisiennes, comme les Vestales d’une esthétique vraiment supérieure, celle de la beauté féminine et de tout ce qui y touche…

Je me souviens d’avoir rencontré sur la place du Palais-Royal, le jour de l’enterrement de Gambetta, entourée de sa famille, une jeune espagnole grêlée, maigre, qui avait peut-être seize ans ; mais, sur cette tête fine et tourmentée, il y avait un immense chapeau et, au milieu de ce visage, il y avait deux yeux noirs ardents : j’ai compris que ce chapeau et ces yeux concouraient harmonieusement à l’étrange beauté de cette enfant !

Ces yeux transfiguraient cette écumoire de chair brune, parce que c’était l’intelligence qui éclairait la matière, et, depuis, cette vision