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et ne croyez pas que je vous dise cela pour vous faire poser

— Ah, comtesse ! Mais alors il n’y a que du maquillage, de artificiel, du chiqué ici, pour les hommes comme pour les fleurs ?

— Vous l’avez dit.

Oh ! mes illusions, mes rêves, qu’êtes-vous devenus ?

Et comme ces dames riaient de bon cœur de l’effondrement d’un petit coin de mon idéal, une nuée de fillettes provocantes, radieuses de beauté sous leurs longs cils, avec leurs loques accrochant tous les feux de ce beau soleil d’Italie, se jetaient sur moi et me plongeaient dans les poches, dans mon gilet, de minuscules bouquets de violettes.

— Dame, ça c’est l’impot perçu par les modèles sur les étrangers naïfs, m’expliqua la comtesse, chaque bouquet, c’est deux sous.

Je sortis tous mes sous et nous filâmes vers l’ascenseur qui allait nous mener vers la Villa Médicis.

Ça ne fait rien, nous avons gardé, ma femme et moi, un souvenir enchanteur de ce double marché des fleurs maquillées et des italiens déguisés eux-mêmes, dans leur propre pays, comme certains bretons se déguisent à la porte d’un café et ce marché du chiqué, sous la pure lumière du soleil de mars, nous a semblé la chose la plus amusante du monde…

… Cinq minutes plus tard, avec sa grâce habituelle, sa distinction tout à la fois raffinée et na-