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Ce n’est pas, d’après lui, pour tromper leur faim, ni pour nous embêter, ni même pour le plaisir de ronger (comme certains bipèdes chiquent de la gomme ou du tabac), que les rongeurs… rongent : c’est pour se faire les dents !

À la différence de l’homme, en effet, dont les dents ne bougent plus une fois accomplie la seconde dentition, les animaux de cette classe ont des dents qui ne cessent de s’allonger pendant toute leur vie. Force leur est donc de travailler sans cesse à les user par friction sur des corps plus ou moins durs : autrement, elles prendraient les proportions insolites des ongles des mandarins chinois, qui sont obligés de porter des étuis d’ivoire au bout des doigts, et la vie aurait tôt fait de cesser d’être tenable pour les pauvres bêtes, qui, faute de pouvoir saisir et mastiquer leur pitance, crèveraient à l’envi de faim.

Voilà pourquoi, à en croire Lancet, votre fille est muette… et vos cloisons percées à jour ! »

Mon aimable confrère se trompe, comme je vais essayer de le lui prouver, du moins quelquefois, car il y a des gens dont les dents poussent exactement comme chez les rongeurs. Du reste, à la réflexion, il ne saurait en être autrement ; aujourd’hui tout le monde admet plus ou moins les doctrines darwiniennes du transformisme et lorsque les dents d’un homme ou d’une femme poussent d’une manière extraordinaire, comme celles d’un simple lapin ou d’un rat de cave — pardon, d’égout — c’est que l’on se