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ménage sur le trône dans un des plus vastes royaumes de la contrée et, comme il convient toujours aux nobles traditions internationalistes des souverains, le roi était allé chercher une femme dans un pays voisin dont la principale industrie consiste à hacher de la paille.

Dans les premières années de leur mariage, se baladant dans les villes diverses de leur royaume que je ne veux pas nommer ici, ils furent heureux et même, suivant la phrase singulière et consacrée de la légende, ils eurent beaucoup d’enfants. Mais, chose encore plus singulière, quoique l’on devrait plutôt la mettre au pluriel, au fur et à mesure, qu’ils avaient plus d’enfants, ils devenaient plus tristes, plus sombres, plus moroses, surtout le jeune roi.

Vous allez me dire que cette histoire est invraisemblable, que ces considérations sont bonnes pour de pauvres diables de gens du peuple qui n’ont pas les moyens de nourrir leur progéniture, mais qu’il ne peut en être de même pour les princes et surtout les souverains qui sont loin de regarder à la dépense puisque, c’est toujours le peuple qui « casque ».

— Vous semblez avoir raison ; il n’y a qu’un petit malheur, c’est que vous n’y êtes pas du tout. Ce n’est pas parce qu’il avait trop d’enfants que le jeune ménage était désolé, mais simplement parce qu’il avait cinq filles et qu’il aurait bien voulu avoir un garçon pour hériter un jour du trône paternel.