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Mais le village était divisé en deux camps, et, au sortir des vêpres, les cerveaux ayant eu le temps de s’échauffer pendant le déjeuner, il y eut une épouvantable bagarre sur la place, devant le porche de l’église et garçons et filles se flanquèrent une solide tripotée, roulant pèle-mêle sur les tombes herbues du vieux cimetière, encore là à cette époque.

La plupart en tenaient pour le parti des enfants de chœur qui avaient réclamé leur chemisette rouge — pour les rouges, comme l’on disait — et d’autres en tenaient pour le parti des deux fillettes habillées de leur robe jaune, qui avaient servi la messe et continuaient à la servir, avec l’autorisation de l’évêché et formant ainsi un défi jeté à l’opinion publique par les jaunes !…

Comment a fini cette histoire ?

Bien simplement ; le curé, de plus en plus furieux, a continué à faire servir sa messe par son bedeau-sonneur…

Mais si j’ai tenu à vous conter cette véridique histoire aujourd’hui, c’est dans un but plus haut que celui de vous amuser qui, cependant, m’est doux. C’est pour fixer un point de l’histoire économique de la France, car c’est depuis cette grève des enfants de chœur d’un pauvre petit village du Vivarais que dans toutes les grèves il y a maintenant en présence le parti des rouges et celui des jaunes !

Quand je vous disais que l’histoire est un éternel recommencement !…