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qui n’est pas le vice de l’avarice, mais qui est, au contraire, une vertu, il n’y aurait plus de malheureux sur la terre.

Et tenez, savez-vous pourquoi j’aime tant ces montagnards honnêtes des Pyrénées, c’est qu’ils sont de mon avis et font comme moi…

— Par nécessité.

— Qu’importe ! Si leurs enfants savent qu’il ne faut rien gaspiller.

J’avais fini par me lier étroitement avec ce diable d’homme qui représentait, pour moi, le génie de la statistique et de l’économie et comme un matin j’étais dans son salon, je vis son valet de chambre passer soigneusement le contenu de son vase de nuit !

— Que fait-il là ?

— C’est bien simple, je suis, hélas, rhumatisant comme vous. Tous les matins, Jean passe et recueille le sable de mes urines, quand je suis aux Eaux. Ça me sert pour saupoudrer mes lettres. De la sorte, voyez, voici le tableau, j’économise un buvard : tant par an, tant en quarante ans…

Comme il était très calme et très sérieux, je ne pus retenir mon admiration pour ce grand génie de l’économie. Il le vit dans mes yeux et me serrant les mains avec émotion, il me dit, en laissant tomber une larme chaude :

— Enfin, j’ai donc trouvé un économiste pour me comprendre…