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Il ne tarda pas lui-même à se rendre compte de l’impression qu’il produisait sur moi et, dès lors, son grand dada consistait à m’expliquer tous les mobiles de ses actes et pourquoi il agissait ainsi :

— Les gens superficiels, me disait-il, me traitent souvent d’avare sordide ; ils se trompent grossièrement. Je suis simplement un homme économe, doublé d’un statisticien et tenez, demain je vous montrerai les tableaux que j’ai dressés seulement à propos des actes courants de ma vie. Je vous ferai grâce des chiffres et vous verrez combien l’humanité serait heureuse et riche, si elle était seulement économe, avec raisonnement, ce qui n’a aucun rapport avec l’avare qui est toujours une vieille bête, puisque l’on ne tarde pas, à force de privations, à en être la première victime.

Vous voyez le train raisonnable que je mène ici ; je suis descendu dans le meilleur hôtel et j’ai un valet de chambre : j’ai à peine quarante ans et une assez jolie fortune et je mange mes rentes. Seulement, écoutez bien ceci : je les mange intelligemment, c’est-à-dire que tout naturellement, je suis économe, je ne gaspille rien, de manière, avec ce que j’économise d’un côté, à pouvoir me procurer d’autres jouissances par ailleurs. Il me semble que c’est sage et que ce n’est point là de l’avarice.

— Vous avez parfaitement raison.

— Seulement, voyez-vous, quoique je vive de