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Mon berceau

rideau de soie, à l’abri duquel elle trônait dans son comptoir. N’importe, on ne voyait pas la déesse, mais on stationnait dans le temple qui la renfermait, et beaucoup s’estimaient heureux d’être rencontrés, épiant si quelque léger souffle ne soulèverait pas le soyeux rideau.

« Aujourd’hui la beauté n’a pas changé de place, le rideau protecteur a disparu et tout s’y passe comme partout ailleurs ; seulement, on peut citer le passage Véro-Dodat comme le plus fréquenté de Paris, mais non le plus salubre, car le jour et l’air y sont presque inconnus de ses habitants. »

Sic transit gloria mundi ; aujourd’hui la belle a disparu et doit être bien vieille, si elle est encore de ce monde, le passage lui même est déserté de plus en plus et, manquant de jolies filles, on ne peut plus s’écrier comme le loustic de 1844, devant le rideau mystérieux : À la bonne heure, il n’y a pas que des têtes de cochon ici !

Hélas ! non, car la vie, le mouvement et l’animation ont disparu avec la beauté, pour me servir des tournures régence de Lespès. J’allais oublier qu’au numéro 30 de la galerie Véro-Dodat, pontifiait le fameux Bontoux, le cuisinier de M. Sébastiani, ministre des affaires étrangères. Barthélémy l’a immortalisé dans Le Dîner diplomatique, soit sa septième satire, datée du