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LA PLAGE VENDÔME

Spectacles inoubliables de mes premiers ans, vous êtes là gravés dans mon cœur avec la vivacité et la couleur des faits de la veille…

Et chaque année nous revenions à la même place, retrouver la même troupe, toujours plus clairsemée et, plus tard, pendant les longues soirées d’été, à la campagne, le vieux général Blancart de Bailleul me racontait la retraite de Russie à laquelle il assistait comme sous-lieutenant.

La Grande-Armée ! quel mot magique, quelle épopée, quel drame ? Ils étaient cent mille, puis cinquante mille, puis la parade du 1er janvier disparut, puis un jour ils ne furent plus que deux mille, qu’une poignée ; aujourd’hui ils ne sont plus cent en France, presque centenaires, l’année prochaine le dernier médaillé de Sainte-Hélène aura disparu : ainsi va le monde.

Et, lorsque je passe sur la place Vendôme, involontairement je ferme les yeux et la magique évocation se dresse devant moi et les vieux grognards défilent, tambours battants, un frisson me parcourt le corps et je salue avec un même sentiment d’attendrissement et les héros couchés dans la tombe et ma jeunesse défunte.

Mais à quoi bon pleurer sur le passé ? ne doit-on pas tirer un enseignement de ces hécatombes inutiles ? Pendant plus de vingt ans, Napoléon a