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mon berceau

furtivement le derrière de chaque femme qu’il rencontrait. Sa rouge trogne, ses cheveux blancs, sa gibbosité, sa croix de Saint-Louis qui se dessinait sur son habit blanc couvert de taches, le faisaient reconnaître de loin. Une de ses mains était armée d’une canne qu’il agitait ; et l’autre, placée derrière son dos, était destinée à l’exécution de ses coups inattendus.

Au milieu de la grande allée du jardin du Palais-Royal, vous eussiez vu les femmes, dont il était fort connu, se ranger, s’éloigner au-devant du chevalier Tape-Cul, et laisser un espace de plusieurs toises entre elles et lui. C’est ainsi que fuit la timide volatile à l’approche de l’oiseau de proie. »

Cette dernière réflexion de l’historien de Paris est adorable, mais il poursuit imperturbablement :

« La femme frappée par ce chevalier ne manquait pas de se plaindre ou de lui adresser des injures. Quelquefois, sur ses larges épaules tombaient des coups de canne lancés par l’homme qui accompagnait la femme insultée ; le chevalier recevait les injures et les coups avec une résignation exemplaire, et s’éloignait paisiblement sans détourner la tête. »

N’est-ce pas, comme c’est amusant et comme devait amuser les gens du quartier, ce brave homme qui avait imaginé un moyen aussi ingénieux que touchant de montrer son admiration