Bachaumont, qui a inventé le mot de raccrocheuses, nous apprend que ces demoiselles exerçaient leur métier en plein jour au Palais-Royal pendant l’hiver de 1771, ce qui ne changeait rien, d’ailleurs, aux mœurs du temps.
On finit par les chasser cependant, à la suite de l’incident suivant ; je laisse la parole au narrateur :
« M. le duc de Chartres se promenait dans son jardin ; en passant auprès d’une de ces filles, il s’écria : « Oh ! f… ! que celle-là est laide ! » L’amour-propre de l’offensée ne lui permit pas de rester court à ce propos, qu’elle entendit très bien.
« Ah ! f… ! répliqua-t-elle, vous en avez de plus laides dans votre sérail ». Un manque de respect aussi impudent n’est pas resté impuni, et le châtiment a rejailli sur l’espèce entière ; en sorte qu’il n’y a plus que les filles d’Opéra, les filles entretenues, celles qu’on appelle du haut style, qui puissent se montrer dans ce lieu, ce qui ne laisse pas de l’attrister beaucoup, car dans le nombre de ces raccrocheuses, il y en avait de très jolies, de très bien vêtues, qui ornaient la promenade, réjouissaient les yeux et attiraient les hommes… Aujourd’hui (18 juillet 1772), le Palais-Royal, excepté les jours d’Opéra, n’est plus qu’une vaste solitude. »