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mon berceau

de toute une génération, Lhéritier, Pradeau, à la face réjouie, plus large encore que celle de Daubray, répondent à l’appel et tout au bout, près de la fenêtre, assise tranquillement en écoutant tous les cancans de ces gais lurons, une vieille portière, bonnet blanc tuyauté, tire le cordon d’un air distrait ; un gros chat noir sous la table, joue à ses pieds. Cette pipelette étonnante c’est… Henry Monnier !

Tous ces personnages sont nombreux, toutes les gloires du Palais-Royal défilent là, je n’en ai pas cité le quart ; ça grouille, ça provoque le rire, c’est vivant et cependant ça ne papillotte pas, tant Émile Bayard a su grouper tout son monde avec art.

Le soir, lorsque sous l’éclat des lustres, à une première, comme celle qui a eu lieu presqu’au lendemain de la mort du pauvre grand peintre, en janvier 1892, par exemple, à Doit-on le dire ? on se promène au milieu des fraîches toilettes et des épaules nues, dans ce foyer-joujou et qu’on lève les yeux involontairement vers ces actrices, ces femmes charmantes plantées là par Bayard, on voit étinceler leurs yeux, éclater leur sourire fin, leur large gaîté, et l’on entend comme dans un concert lointain tout un bruit de valse, de Champagne qui part et de folles déclarations d’amour…