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Cependant, il est d’usage en certaines communes, Ercé et Gahard entre autres, que les conscrits qui, avant le tirage, et entre le tirage et le conseil de révision, se réunissent le dimanche, fassent chaque année une nouvelle chanson. C’est peut-être d’une de ces réunions de conscrits qu’est venue la chanson de marche que les mobiles et les mobilisés gallots chantaient pendant la guerre de 1870-1871, et qui, si elle n’était pas d’une haute poésie, était singulièrement marchante :

Depuis près d’un an,
Marchons sur les rangs,
Marchons sans gêne,
Ne craignons rien ;
Faisons la guerre
À ces Prussiens.

À la campagne, on compose aussi des chansons satiriques sur des événements locaux, où les personnes sont désignées par leur nom avec des libertés aristophanesques. Plusieurs maires du Seize-Mai ont été chansonnés de la sorte. L’idée de ces chants est parfois drôle, et le début est plaisant ; mais le poète s’essouffle vite, et presque toujours, au milieu et à la fin, il glisse dans la platitude.

En général, — et c’est une remarque que Bujeaud et M. G. Paris ont faite avant moi — toutes les fois qu’on rencontre une chanson populaire vraiment jolie et bien conduite, on peut dire, à coup sûr, qu’elle est l’œuvre d’un lettré ou d’un quasi-lettré. Et si on peut remonter a la source, on trouve que l’auteur est un notaire, un maître d’école ou quelqu’un qui a étudié pour être prêtre.

Les chansons en patois sont loin de former exception à cette règle : un paysan qui voudrait faire une chanson essaierait de la composer en français, en employant les termes les plus rele-