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les plus anciens textes le prouvent, onzime, dozime, trezime, quatorzime, quinzime, sezime. Le Pèlerinage (vers 1060) a quatre fois trezime :

La trezime est en mi, bien seelee et close (3e éd. Koschwitz, v. 117)
Avoec els le trezime, onc ne vi si formet (ib., v. 138)
Le trezime vois querre, dont ai oït parler (ib., v. 153)
Li trezimes en mi est tailliez a compas (ib., v. 428).

Les Lois de Guillaume le Conquérant (vers 1075) ont dudzime :

si jurrad sei dudzime main (Bartsch, Chrest. 6e éd., 50, 40)
si s’en escundirad sei dudzime main (ib., 52, 39)
sei dudzime main (ib., 53, 2).[1]

Le Comput (1119) compte ainsi (je construis ce tableau en relevant les exemples donnés dans les nomenclatures de Knoesel et en vérifiant ses citations dans Mall) : primier primerain, secunz, tierz, quart, sist siste, setmes, uitme, nofme, unzime, quatorzime, quinzime.

Du 17e au 19e, le plus ancien français a eu son système ordinaire d’exprimer les nombres intermédiaires de dizaines. Il a dit dis e setme, dis e uitme, dis e nuefme : on a dis e uitme dans les Rois (dernier tiers du xiie s.), dis e nofme dans le Comput. Cependant, il est juste d’ajouter que de dis et setme on n’a pas d’exemple historique (probablement parce que ce nombre venant directement après la série onzimesezime était soumis à son influence[2]) : c’est ainsi que dans les Rois on a dis e setime à côté de dis e uitme et dis e nofme (d’après le Dict. général). Un exemple plus ancien même du Brut de Wace (1155) présente déjà cette forme : disetismes (d’après Knoesel, le Dict. gén. n’a que l’exemple des Rois).[3]

Voici encore la série des ordinaux de 1e à 19e dans quelques textes de la seconde moitié du xiie siècle, qui confirment pleinement les résultats auxquels nous sommes arrivé jusqu’à maintenant. Les deux premiers tableaux sont dressés d’après Knoesel, le troisième l’est en combinant les citations de Knoesel, de Koeritz p. 17 et du Dict. général pour 17e, 18e et 19e.

Roman de Troie (vers 1160) : premier primerain, segons, tierz, quarz, quint (Knoes. p. 67), sisaine, se(p)tmes, oimes oitaine oitisme, noveins none noines, dismes disaine diesiesme, onzisme, dozismes do-

  1. Ces exemples sont déjà dans Knoesel ainsi que ceux du Pèlerinage ; je n’ai pu dépouiller les Lois, comme j’ai fait du Pèlerinage. Aucun des textes antérieurs n’a d’exemple de -ime, voy. Stengel, Wörterb. der ält. franz. Sprache, p. 165, III. Zahlwörter. La Passion a dezendézen = decimus ou dez + en provençal.
  2. Influence, pourrait-on admettre, qui a été aidée par celle de la forme latine : decimus septimus. Mais comme septimus n’agit pas directement sur setme (voir plus haut) ni sur vint e setme, trente setme des Rois (cités par Koeritz, p. 17), je crois plutôt à l’influence de la série.
  3. M. Knoesel, p. 43 de sa brochure, cite une forme dis et setme sans référence. Mais c’est une forme qu’il suppose pour la facilité de son exposition.