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fait nu, s’avance en me disant de le dessiner, parce qu’il était tel que le Grand-Esprit l’avait fait. Je refusai toutefois, parce que je désirais dessiner une des femmes ; mais celle-ci s’y opposa, sous prétexte qu’elle ne pouvait se vêtir convenablement, à cause du deuil dans lequel elle était.

Après quelque difficulté, je réussis à exécuter un croquis d’une jeune fille dans le costume de la tribu, malgré les terreurs de sa mère, qui croyait la vie de son enfant en danger. Je lui répondis qu’au contraire, mon dessin prolongerait son existence, et elle se déclara satisfaite. Alors un magicien s’avança et nous offrit, moyennant une livre de tabac, de nous donner trois jours de bon vent. Nous marchandâmes jusqu’à amener le magicien à nous promettre du bon vent pour une petite poignée de tabac, et nous refusâmes de partager un grand chien rôti qu’on avait tué à notre intention. Nous retournâmes à bord pour y passer une nuit de tortures, dévorés par les moustiques, que la fumée ne suffisait plus à éloigner de notre cabine brûlante.

10 juillet. — Nous sommes obligés de nous tenir sous le vent d’une île rocailleuse assez basse, et bien que le flot se précipite avec force sur le rivage, nous nous décidons à le visiter pour nous reposer de la navigation. Nous avons une émotion, car le bateau se remplit d’eau avant d’arriver à terre. Cependant nous débarquons sains et saufs, et marchons à peu près un demi-mille. L’île est littéralement couverte de mouettes et de pélicans qui couvent ; tous s’enlèvent à notre approche en troupe si serrée que l’île entière semble s’envoler à la fois. Les pierres sont tellement criblées d’œufs et de petits, qu’on ne peut avancer sans en écraser. Fatigués par leurs cris discordants et