une grande adresse pendant dix ou quinze milles. Ils construisent un canot en écorce de pin d’une forme singulière qui est fort belle. Ces embarcations traversent les rapides avec plus de sécurité que toute autre. Le chef et les femmes déjeunèrent avec nous, puis nous quittèrent. Nous campâmes le soir au-dessous de la « Dalle des Morts » ou le rapide des Morts, qui tire son nom de la catastrophe suivante.
Il y a vingt-cinq ou trente ans, un Iroquois, un métis et un Canadien français durent passer cet affreux rapide avec la charge d’un bateau. Craignant pour la descente, ils attachèrent une longue corde à l’avant du canot, et essayèrent de le descendre ainsi lentement le long du torrent écumeux, en se tenant sur la rive. Mais le bateau prit une fausse direction, et donna contre un rocher. Tous leurs efforts pour l’atteindre ou pour le retirer furent inutiles. La corde frottait contre les pointes aiguës des rochers ; elle se coupa, et le bateau se précipita dans les tourbillons, où il se perdit avec toutes les provisions qu’il contenait.
Ils suivaient toujours à pied les berges rugueuses et périlleuses de la rivière, sans nourriture, sans fusils et sans provisions ; ils n’avaient même pu sauver une couverture pour se protéger contre le mauvais temps. La nuit, il leur fallait camper en mourant de froid et de faim, on n’avait fait que trois milles à travers les obstacles qui obstruaient leur route à chaque pas. Le lendemain, ils poursuivaient sans plus de succès. Ils savaient bien que, s’ils construisaient un radeau, il ne résisterait pas une heure à cette partie de la rivière, à cause des nombreux rapides qui arrêtent la navigation, C’était le huitième jour de leur lent voyage ; le métis craint que ses compagnons ne le tuent