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les indiens de la baie d’hudson.

vous respectent, recherchent votre alliance et redoutent votre inimitié. Je vous ai servi de père depuis plus de lunes que je n’en puis compter ; mes cheveux sont devenus aussi blancs que la gelée du matin sur les montagnes. Vous ne m’avez jamais refusé d’obéir, et vous ne me le refuserez pas maintenant. Quand il a plu au Grand-Esprit de me reprendre un à un tous mes enfants, pour les mettre dans ses saintes chasses, je les vis déposer dans le sépulcre de leurs pères, sans murmurer contre sa sainte volonté ; j’eus cette résignation tant qu’il m’en resta un. À celui-ci, je consacrai ma vie, fier de sa fierté, me glorifiant de sa gloire, heureux de l’espoir que je le laisserais parmi vous pour perpétuer ma race et mes hauts faits, quand j’aurais été rejoindre dans l’autre monde ses frères bien-aimés. Mais le Grand-Esprit appelle aussi à lui le dernier soutien de mes vieux jours, cet espoir de ma vie, que tant de souvenirs de sa valeur, de sa force, de son courage, de ses prouesses me rendaient si cher. Hélas ! il repose là dans la terre glacée, et je suis seul, dépouillé comme l’arbre auquel le feu du ciel a enlevé toutes ses branches. Cette chère créature, maintenant froide et inanimée, je la suivais depuis ses jeux d’enfants jusqu’à ses prouesses de jeune homme. Le premier j’ai mis entre ses mains l’arc et le tomahawk ; que de fois vous avez vu et admiré son adresse et son courage à les manier !

« Le laisserai-je maintenant faire seul et sans protection le grand et pénible voyage des chasses saintes du Grand-Esprit ? Non, son âme m’appelle, me fait signe de la suivre ; je ne l’abandonnerai pas. La même tombe nous contiendra, la même terre nous couvrira ; et comme dans le monde le bras de son père le soutenait dans la fatigue et le péril, de même son esprit le