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Les temps invertis

b L’origine des formes wayyiqtol et il tua etc., weqataltí et je tuerai, qui constituent un trait caractéristique (mais non absolument exclusif) de l’hébreu, est obscure. On peut se demander si l’élément yiqtol (yáqom) qui se trouve dans wayyiqtol (wayyáqom) est identique à la forme séparée yiqtol (yaqūm) ; et de même pour weqataltí. Pour la plupart des grammairiens la question ne se pose même pas ; aussi s’efforcent-ils d’expliquer tous les sens de wayyiqtol par ceux de yiqtol, non sans des prodiges de subtilité, il est vrai. Mais étant donné que les valeurs de wayyiqtol sont en fait opposées à celles de yiqtol et que, d’autre part, la place du ton est différente, on peut supposer que wayyiqtol n’est pas identique à yiqtol.

c On peut faire l’hypothèse suivante. Quand la forme à préformantes et afformantes existait seule (comme le supposent avec vraisemblance Bauer et d’autres), cette forme pouvait, selon la place du ton, avoir des valeurs opposées, p. ex. yaqū́m « il se lèvera », yáqom « il se leva ». C’est cette dernière forme qui se serait conservée dans wayyáqom[1]. Puis, d’une façon analogue, une forme qatálti « j’ai tué » serait devenue qataltí « je tuerai »[2] (par inversion du ton), qui se serait conservé dans weqataltí[3].

d Le waw des formes wayyiqtol, weqataltí exprime d’une façon légère l’idée de succession ; il serait exagéré de le traduire toujours par et ensuite, et puis. D’ordinaire, il suffit de le traduire par et. Mais dans certains cas il peut être utile ou même nécessaire d’ajouter un mot qui souligne la succession. Ainsi la Vulgate a parfois raison de traduire et postea : Dt 22, 13 « Si duxerit vir uxorem, et postea odio habuerit eam וּשְׂנֵאָהּ » ; Lév 4, 14 (cf. 23) ; 1 R 14, 28 « portabant ea… et postea reportabant ». Dans Lév 16, 4 וּלְבֵשָׁם signifie et (seulement) ensuite il les revêtira.

e Le waw inversif a des sens secondaires assez variés, dont le plus fréquent est celui de conséquence logique. Ce sens est un développement naturel du sens de succession : post hoc, propter hoc. Ce procès sémantique est fréquent dans toutes les langues[4].

  1. On expliquerait de même l’élément yaqtul dans l’arabe lam yaqtul لَمْ يَقْتُل il n’a pas tué et le parfait akkadien iqtul.
  2. Qataltí répondrait à l’imparfait akkadien iqatal.
  3. Cf. Mélanges Beyrouth, 5, p. 103.
  4. Comp. puis, puisque ; par la suite, par suite.