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LA GRANGE-BATELIÈRE

— Pas de sensiblerie nuisible. Il y a un moyen sûr de l’en empêcher. Nous avons encore du temps devant nous avant que le jour se lève et, par une nuit comme celle-ci, on a ses coudées franches, que diable ! Avant que la Paillarde ne s’éveille, allons causer un peu avec cette Mathurine.

— Ce sera dommage, murmura Pinto, c’est une belle fille…

— Ah ! bah… mes poulets. Quand elle aura pieds et poings liés, on vous permettra, jeunes gens, de vous entretenir chacun cinq minutes dans les ténèbres avec elle.

Et se tournant vers la Baleine, l’ignoble coquin ajouta en s’accompagnant d’un gros rire :

— Il faut que jeunesse se passe.

— Et après ? demandèrent les jeunes gens.

— Après ?… Tudieu ! on l’enverra rejoindre ses amis.

Tous les quatre se penchèrent encore une fois vers l’égout. Il était muet comme une tombe.

— Cocardasse a bu cette nuit pour la dernière fois, ricana Gendry. Que ce liquide soit doux à son gosier !

Tous ensemble poussèrent un éclat de rire à cette plaisanterie macabre et reprirent le chemin du Trou-Punais.


XIII

LE SECRET DE L’ÉGOUT


Tout à leur aise, les quatre coquins, purent pénétrer dans l’auberge, car la porte n’en était pas même verrouillée.

Par précaution, cependant, de crainte que les servantes n’eussent été réveillées par le coup de pistolet et que tout le monde ne fût sur pied. Yves de Jugan et Raphaël Pinto avaient pris les devants pour regarder par l’huis entre-bâillée.

Dans la salle, tout était resté comme lorsqu’ils l’avaient quittée. Les gobelets et les brocs à moitié vides s’alignaient encore sur la table, près des cartes jetées à la hâte, et l’on n’entendait dans l’auberge que le ronflement sonore de la Paillarde ; allongée maintenant sur le sol, un bras replié sous sa tête, elle dormait d’un sommeil pesant et calme.

Après être restés quelques instants aux écoutes, les jeunes gens firent signe à leurs compagnons de les suivre et tous les quatre pénétrèrent à l’intérieur sans que l’hôtelière fit un mouvement.

Gendry et la Baleine, ignorant les aitres de la maison, s’attablèrent pour boire, mais tous s’inquiétèrent bientôt de ne pas voir apparaître Mathurine.

Jugan et Pinto se mirent à sa recherche, fouillèrent tous les coins de la salle et de l’office.

— Elle est allée boire à la cave, pour se remettre de ses émotions, opina la Baleine.