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LA GRANGE-BATELIÈRE

Berrichon donnait d’un côté le bras à Cocardasse et de l’autre à Passepoil. Et tout en ricanant, il attendait le marchand d’amandes.

— Sandiéou !… s’écria le Gascon. Que te veut ce grand escogriffe ?

À cette voix bien connue, le chasseur changea de rôle et sembla être devenu le chassé. Il jeta un coup d’œil autour de lui, hésita une seconde et, finalement, tourna les talons, déguerpissant au plus vite, poursuivi par les huées de la foule.

— Oïmé !… gronda Cocardasse, je le reconnais à sa façon de détaler. M’est avis, mes mignons, que vous ne verrez plus la Baleine déguisé en marchand d’amandes.

— La Baleine !… s’écria Passepoil.

— Arrêtez-le ! arrêtez-le ! cria Berrichon à son tour.

C’en fut assez pour que la populace se lançât à la poursuite de l’homme en proférant des menaces.

— À l’eau ! à l’eau !… il a voulu tuer un enfant.

Cinq minutes après, le guet barrait le passage à la Baleine, que la foule accusait de toutes sortes de crimes et, pendant que s’éclaircissait cette affaire, les prévôts et Berrichon étaient rentrés bien tranquillement à leur demeure.


VIII

LENDEMAIN DE FÊTE


C’est deux jours après cette aventure arrivée à Berrichon que les prévôts s’en étaient allés rôder aux alentours de la Grange-Batelière, où ils devaient faire connaissance, comme nous le savons, avec le cabaret du Trou-Punais et sa remarquable hôtelière.

Inutile de dire que la Baleine s’était abstenu de reparaître devant l’hôtel de Nevers et, que ç’avait été une des raisons pour lesquelles Cocardasse et Passepoil n’avaient vu aucun inconvénient à aller chercher quelque distraction ailleurs.

Nous avons énoncé plus haut que l’histoire n’avait rien dit des témoignages de reconnaissance à eux prodigués par ces demoiselles de l’Opéra. Mais il n’en est pas moins vrai que celui qui les eût suivis, alors que le jour commençant à poindre, bras dessus bras dessous, ils regagnaient leur quartier en se communiquant leurs impressions mutuelles, celui-là eût pu se faire une grande pinte de bon sang.

— Belle nuit, ma caillou ! disait le Gascon.

— Bonne nuit surtout, Cocardasse !

— Belle et bonne, tu l’as dit, pitchoun.

— Nuit de grands seigneurs, mon noble ami.

— De princes, mon petit prévôt…

— Récapitulons un peu : d’abord…

— D’abord un petit combat en règle, ou Pétronille, elle, s’est pas trop mal