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LA GRANGE-BATELIÈRE

tée et furieuse pour si peu, il ne pouvait en croire ses oreilles et réservait toutes ses sympathies au héros de cette histoire bouffonne.

M. de Machault n’en admonesta pas moins sévèrement, pour la forme, le jeune Berrichon. Dans son intérêt, comme dans celui de sa bonne vieille femme de grand’mère, il ne fallait pas l’encourager dans cette voie.

— Mauvais drôle, lui dit-il, que je n’entende plus parler de toi, car la bastonnade serait ce qui pourrait t’arriver de meilleur.

« Et vous, ajouta-t-il en s’adressant à Françoise, je vous conseille fort de l’emmener gîter ailleurs, si vous ne voulez pas qu’il vous arrive des désagréments de vos voisins.

Dès le lendemain matin, ils allèrent s’installer auprès de Mme de Nevers ainsi qu’il avait été convenu. Personne ne les inquiéta, d’ailleurs, car les commères, malgré leur grande surprise de les revoir en liberté, ignoraient encore qu’elles avaient été les victimes d’une énorme farce.

Elles le surent un peu plus tard. Par exemple, Berrichon se garda bien, de repasser jamais rue de Chantre. Il eût trop risqué de recevoir des casseroles sur la tête et des balais dans les jambes.


VI

BERRICHON VEUT UNE ÉPÉE


Pendant tout le séjour de Mme de Nevers à Bayonne, la vieille Françoise et son petit-fils étaient demeurés à Paris, sans autre occupation pour ce dernier que de courir les rues et de flâner aux carrefours.

Vraie gazette ambulante, il était mieux informé souvent de ce qui se passait que le lieutenant de police lui-même, car il faisait son profit de tout ce qu’il voyait et entendait, cela sans qu’on s’en doutât. Musant au long des maisons, le nez en l’air, il s’en allait à l’aventure, sans souci ni du temps ni de l’heure, et se dirigeant souvent du côté du quartier des Escholiers.

Le moindre événement l’arrêtait en route et aussitôt il s’y mêlait. Un cheval s’était-il abattu sur le pavé gluant. Berrichon était là pour aider le charretier à le remettre sur pied ; voyait-il une jeunesse ployant sous le poids d’un seau d’eau ou d’un fardeau trop lourd, il était là pour les lui porter. Il n’y en avait pas un comme lui pour remettre de l’ordre dans un embarras de voitures, ni pour faire une commission urgente, à quelque endroit de Paris que ce fût.

À ce compte, et comme il avait renoncé à faire des farces de sa façon depuis que la première avait si mal tourné pour lui, son amabilité et sa complaisance lui avaient créé des amis un peu partout. Dans chaque rue, il faisait un bout de causette avec le savetier ou la ravaudeuse du coin, leur colportant les nouvelles ramassées ailleurs, recueillant les leurs et ne rentrant qu’à la nuit tombante.

Pourvu qu’on n’exigeât pas de lui un travail régulier et suivi, on pouvait