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LE SERMENT DE LAGARDÈRE

reux fut un vaillant soldat, et je l’avais sous mes ordres quand vous voulûtes bien faire un homme de cœur d’un officier frivole en remettant un enfant entre ses bras.

Carrigue, l’ancien sergent aux volontaires royaux, avait surpris une bonne partie de la conversation échangée entre Gonzague et le mendiant qui avait réussi à pénétrer dans l’église, aussi veillait-il.


VI

L’ISSUE DE LA CÉRÉMONIE


Les quatre fiancés dont le prêtre devait bénir l’union étaient agenouillés sur des coussins de velours au milieu du chœur ; plus loin, derrière le balustre coupant la nef, priaient Mme de Nevers et Mélanie Liébault. La piété des autres témoins était moindre.

Tout à coup monta de la rue un bruit de voix qui s’engouffra sous la voûte. On entendit des pas de chevaux, des roulements de carrosses, le commandement bref des officiers à leurs hommes et, s’élevant à intervalles réguliers, des voix crièrent :

— Les mousquetaires ! les mousquetaires !

La foule était si compacte, si grand le nombre des voitures et le cortège si long qu’on avançait avec peine.

Le peuple de Paris ne s’attendait guère à voir si magnifique affluence aussi, un héraut d’armes ayant lancé ce cri : « Le roi, messieurs ! Place au roi ! » la cohue se pressa-t-elle plus fort pour voir descendre de carrosse ce souverain de la veille qu’accompagnaient le duc d’Orléans, le duc de Bourbon, le cardinal de Fleury et une nombreuse suite de princes et princesses.

Une clameur d’allégresse jaillit de toutes les poitrines :

— Vive le roi !

Louis XV s’enhardit de ces ovations faites à sa petite personne et gentiment il salua. Alors tous ceux qui étaient là trépignèrent de joie et il sembla qu’une ère de bonheur s’ouvrait sur la France avec l’avènement de ce prince auquel la passion populaire devait donner le nom de « Bien-Aimé ».

Le clergé, rangé sur le seuil, attendait Sa Majesté et les cloches sonnèrent à toute volée. Elles chantaient Dieu, la royauté, la gloire de Lagardère ; un seul homme, dissimulé à l’ombre du tombeau de Nevers, trouvait leur son odieux.

Le roi pénétra dans l’église. À sa suite, pendant près d’une demi-heure, on vit s’engager sous la baie lumineuse du porche, la longue théorie de ceux qui, après lui, tenaient dans leurs mains les destinées de la France ; les ministres, les chefs suprêmes du Parlement et de l’armée, les sommités du clergé et de la magistrature, les hauts seigneurs portant en sautoir les grands cordons des ordres, le Conseil d’État en robe, tous ceux à qui était dévolu l’honneur de soutenir le trône de France, de porter l’épée ou la main de justice.