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COCARDASSE ET PASSEPOIL

En voulant esquisser un salut magistral, comme il en avait vu faire quelquefois à son maître Cocardasse, il s’empêtra si bien dans son fourreau qu’il alla s’étaler tout de son long aux pieds de dame Françoise.

Celle-ci le releva d’un vigoureux soufflet. Ce n’était pas là la voie glorieuse par où devait le mener l’ex-Pétronille !


V

DANS LE GUÊPIER


Pendant plusieurs jours les deux maîtres et leur élève furent empêchés de mettre à exécution les représailles projetées.

Tout d’abord, la vieille Françoise s’était refusée tout net à ce que son petit-fils devint un spadassin. Dans sa légitime horreur des joutes à l’épée, son fils, l’ancien page du duc de Lorraine, était mort en se battant, elle n’avait trouvé rien de mieux que de s’en prendre à Passepoil.

Or, tandis que l’impassible Normand courbait mélancoliquement le dos pour recevoir sa bordée de reproches, Jean-Marie qui n’avait aucune intention de rester entre l’enclume et le marteau, s’en allait trouver Mlle  de Nevers et la suppliait, ainsi que doña Cruz, d’intercéder pour lui auprès de M. de Chaverny.

Il savait fort bien ce qu’il faisait en agissant ainsi ; le marquis n’opposa pas la moindre résistance au désir des jeunes filles. Si bien que Berrichon rapporta, en bonne et due forme, l’autorisation de garder son épée.

Dame Françoise ne s’inclina pas sans maugréer : mais l’adolescent n’en avait cure et le roi, certes, n’eût pas été son cousin dès le soir, quand il fut appelé à escorter Aurore et Flor, que Chaverny conduisait chez Mme  de Saint-Aignan.

Tout le monde commençait à concevoir de sérieuses inquiétudes au sujet de Lagardère, dont l’absence se prolongeait outre mesure ; sa pauvre fiancée, plus que d’autres, supportait avec peine cet éloignement sans nouvelles.

De concert avec Mlle  de Nevers, le marquis, comprenant qu’on ne pouvait plus longtemps soumettre la jeune fille à cette claustration qui la laissait une partie du jour en tête à tête avec ses pensées, avait pris le parti de lui chercher des distractions sans se départir des mesures de précaution recommandées par Henri.

Il eut d’ailleurs été fort difficile à ses ennemis de lui nuire et de la venir chercher parmi sa garde d’honneur composée, outre Chaverny et Navailles, de Cocardasse et de Passepoil, de Laho et de Berrichon, tous gens qui lui étaient dévoués corps et âme.

Elle retourna donc, accompagnée de Flor, chez Mme  de Saint-Aignan, qui était devenue pour toutes deux une amie. Elles allèrent aussi chez quelques autres dames de la cour qui les fêtaient à l’envi et regrettaient avec elles les retards apportés à leur mariage.