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COCARDASSE ET PASSEPOIL

il aura bien assez à faire quand il va revenir, sans se mêler encore de ce qui nous regarde nous-mêmes. C’est notre rôle, mordioux ! de déblayer le terrain devant lui, pour qu’il ne retrouve pas ces vermines dans ses jambes.

— Tout le cela est bel et bon, ripostait paisiblement le Normand. Mais tu oublies, mon noble ami, que nous ne sommes que deux pour faire cette besogne. Les autres sont au moins le double, sans compter tous ceux qui leur prêteraient main-forte. Nous serions encore rossés…

— Capédédiou !

— … Et peut-être pire.

— Le crois-tu, ma caillou ?

— J’en suis certain. Dans tous les cas, il ne faudrait nous présenter là que de jour, et, pour plus de sûreté, nous adjoindre quelqu’un.

— Qui cela ?

— Ventre de biche ! Si je le savais, je m’empresserais de te le dire. Le plus désolant, c’est que je ne vois personne… Ce n’est certainement ni M. de Chaverny, ni M. de Navailles…

— Té ! ma caillou… une idée me pousse… Depuis longtemps, Laho il ne s’est pas exercé le poignet et peut-être qu’il ne lui serait pas trop déplaisant de découdre les tripes à quelque maroufle…

Passepoil haussa les épaules.

— Antoine ne quittera pas Mlle Aurore, surtout pour un pareil motif.

— Ver !… Et le petit Berrichon ?… Crois-tu donc que celui-là ne donnerait pas un coup de main aux anciens ?

— Je ne te conseille pas d’aller le demander à dame Françoise… Si jamais il arrivait malheur à son garçon, elle nous le ferait payer à coups de casserole.

— As pas pour, mon bon ! Je vais tout de même en toucher un mot à Jean-Marie… S’il veut être des nôtres, on le laissera faire et nous réglerons les comptes après avec la bonne femme… Vivadiou !… il faut bien que le clampin il apprenne à faire quelque chose de ses deux bras.

Le Normand réfléchissait. Le nom porté par l’enfant lui faisait jeter un regard en arrière sur les années parcourues.

Il murmura, en se passant la main sur le front :

— C’est vrai qu’il est le fils de ce petit page que nous vîmes à l’auberge de la Pomme d’Adam, dans la vallée de Louron. Celui-là n’était pas déjà si poltron… T’en souviens-tu, Cocardasse ?

À cette interrogation, l’autre frappa du pied un formidable appel. Il n’aimait pas qu’on lui remit en mémoire les dates de sa vie où il lui avait été donné de jouer un rôle douteux.

— Té ! fit-il, je m’en souviens trop !… Que de choses il s’est passé depuis ce temps et je pense qu’il en manque pas mal à l’appel… Mais ne parlons plus de cela, ma caillou !… Suffit que Cocardasse et Passepoil aient gardé bon pied, bon œil et leur peau à peu près intacte… Nous disions donc que lou petit couquin il grille d’envie d’avoir une épée à la hanche. Eh donc ! je ne vois pas pourquoi nous la lui donnerions pas ?…

— Il est si jeune !… Et puis moi, vois-tu, je ne voudrais pas prendre cette responsabilité vis-à-vis de sa grand’mère.

— Va bien… Je la prendrai, moi ; et si le moucheron il n’est pas une poule mouillée, nous allons lui faire faire ses premières armes.

Malgré les avanies nombreuses qui étaient assez souvent résultées de sa